« Tu es insupportable ! »
« Je te retourne le compliment. »
« Après toutes ses années, je croyais que tu aurais un tant soit peu grandi... »
« J'ai pardonné, c'est déjà pas mal, non ? »

Phoebe arrêta d'agiter ses genoux sur lesquels sa petite dernière rebondissait et baissa les yeux sur sa tasse. La blondinette couina, mécontente, et sa mère s'en délesta pour la laisser aller poursuivre les papillons. Mal à l'aise, elle fit tourner sa cuillère dans son café sans sucre sans oser relever le regard. Les grands yeux verts de son petit frère posés sur elle n'exprimaient pourtant aucun reproche, mais il les détourna sur le jardin pour qu'ils ne pèsent pas sur sa nuque d'avantage. Ses mots l'avaient assez touchés. Un sourire absent aux lèvres, il regarda les trois mômes courir dans l'herbe en riant. Lui, n'avait pas eu la chance d'avoir pareilles relations avec sa soeur aînée, d'antan. Il avait cru gagner son amour à force de persévérance, alors qu'il n'était encore qu'adolescent... Jusqu'à ce qu'elle le jette en pâture à ces moldus effrayés par la magie qui avaient attenté à sa vie. Mais dix ans étaient passés, et à l'enterrement de leurs parents, ils s'étaient retrouvés. Elle l'avait cru mort; il aurait pu l'être par sa faute. Lui aussi, l'avait crue morte; elle avait survécu grâce à lui. Ainsi, ils avaient fait table rase sur le passé. Remettre ces vieilleries sur le tapis n'était pas fairplay, mais à l'origine, il avait simplement voulu la taquiner. Un bel exemple de Sean et son humour périlleux en pleine action.

« Et puis si, j'ai grandi. J'ai vieilli, même ! Regarde ces rides là, et là, et là aussi... »

Alors qu'il se triturait le visage, creusant lui même des rides imaginaires sur son front, au coin de ses yeux, et de sa bouche, à l'aide de son don, un rire sarcastique fendit l'air. Phoebe, de six ans son aîné, trouvait ses rides bien ridicules à côté de ses propres cheveux blancs et tâches brunes. Surtout que monsieur le métamorphomage s'appliquait à les faire disparaître à loisir. Sean s'en sortait toujours comme ça, une pirouette par ci, une par là, et on occulte tout malaise...! Quand il fit virer ses cheveux au poivre et sel, et pousser sa barbe déjà mal rasée qui lui donnait un air d'ex taulard, une vague de mélancolie la submergea et son sourire s'effaça net. Lui qui cherchait à la faire rire pour se faire silencieusement pardonner sa maladresse, venait visiblement d'échouer. Il laissa mollement glisser sa main dans son cou, alors qu'elle pointait la vitre du menton.

« Regarde toi... On dirait père. »
« Tu m'insultes, là. »

Prenant le tout au second degré, il se retourna, narquois, vers la baie vitrée. Son regard croisa son reflet, et il resta pantois, s'attendant presque à voir son père surgir devant lui. Un frisson joua le long de sa colonne. En effet, la ressemblance était frappante. Blessante. Secouant la tête, il reprit son apparence, troublé. Ses sourcils, froncés, se rejoignaient presque tant la colère s'était insinuée en lui sans même qu'il ne la sente l'envenimer. ... N'avait-il pas pourtant prétendu avoir pardonné ?

« Ne sois pas comme ça. Si tu as pris sa beauté, tu as pris le meilleur... Et si ça peut te rassurer, il n'approuverait certainement pas tes choix de vie. »
« Heureux de l'entendre... »

Un rictus dédaigneux agita sa lèvre. Il n'avait pu taire la rancoeur qui bordait ses paroles. Car au fond de lui, s'il était satisfait de ne pas avoir marché sur les traces de feu son père, un ploutocrate raciste suffisant et lâche, il était aussi extrêmement déçu, car il savait pertinemment que celui-ci n'aurait pas été fier de ce qu'il était devenu.

UC.