framboise, n. f., fruit rouge provenant du framboisier.

« Framboises ? » Louis se retourna et ne put s'empêcher de sourire. « Tu sais comment m'amadouer. » Elle tenait une barquette en plastique remplie de framboises dont l'odeur si atypique parvenait facilement à l'émoustiller. Il s'approcha alors qu'elle enleva le couvercle, mais lorsqu'il tendit la main pour s'emparer d'une framboise, elle les retira et les cacha derrière son dos. « On va jouer. » Elle s'essaya sur la table au milieu de la cuisine et prit un des fruits entre son index et son pouce. « Qui est tu, Louis Hill ? » Louis attrapa une chaise et s'y essaya de façon à avoir le dossier devant lui. Il y posa sa tête et sourit. « Tu sais très bien qui je suis. » Elle mangea la framboise. « Mauvaise réponse. Je ne sais pas qui tu es, Louis. Personne ne sais qui tu es. Je te repose la question : qui est tu ? » Elle attrapa à nouveau une framboise. Louis releva la tête. L'enjeu était plus important qu'une simple framboise. C'était elle qui s'offrait tout entière à lui s'il lui dévoilait ce qu'elle cherchait tant à savoir. « Je suis Janus, quelque fois je suis simplement un homme de dix-neuf ans vivant dans un monde … normal, d'autre fois je suis un surhomme vivant dans un monde parallèle. » Elle sourit. « Ouvre la bouche, surhomme. » Louis s'exécuta et attrapa la framboise qu'elle lui lança. Elle semblait satisfaite de la réponse et semblait s'en contenter. Elle prit un autre fruit entre ses doigts. « A quoi ressemble ton monde ? » Elle n'avait aucune idée de ce monde et il n'était pas prêt à lui dévoiler ses moindres détails. « Une femme ne peut pas garder un secret, vous devez vous y mettre à plusieurs pour cela.» Elle ne répondit pas mais sourit. Elle avait essayé des dizaines de fois de faire parler Louis et ce jeu n'était qu'un parmi tant d'autres. « Pourquoi tu ne veux pas m'en dire plus sur toi ? » Il se leva, rangea la chaise sous la table et s'approcha d'elle. Il lui saisit la main et attrapa la framboise avec ses lèvres. Il sourit en se redressant et la regarda dans les yeux. « Je devrais te tuer. » Elle rit. Elle était d'une beauté ravageuse lorsqu'elle se mettait à rire, un rire à couper le souffle mais avec une dimension diabolique, car quand elle rit, plus rien ne pouvait lui résister. Il l'embrassa, comme lorsqu'ils le faisaient dans les champs de blé derrière la ferme de sa famille et elle céda immédiatement sous les lèvres de Louis. Elle ne poserai plus de questions avant demain. Ses mains cherchèrent un appui sur la table et la barquette tomba sur le sol, libérant les framboises qui se répandirent ça et là sur le sol.

« Tu ne pourrais pas rester ici ? » Elle n'avait jamais compris ce que Louis était, ni accepté le fait qu'il devait partir pendant toute l'année scolaire dans une école écossaise dont elle n'avait jamais entendu parler. « On en a discuté des dizaines de fois, Maman. » Le mal à l'aise apparent de sa mère se traduisait par l'impossibilité de se tenir en place, cherchant toujours une occupation afin de distraire elle-même son attention. Elle savait pertinemment qu'elle ne pouvait pas soutenir le regard de son fils et quand bien même elle y fut obligée, elle ne pourrait s'empêcher de pleurer. Des pleurs d'incompréhension, de détresse. « Tout est flou dans ma tête. Depuis que tu as onze ans, je ne te vois que pendant les vacances d'été, on ne te laisse pas rentrer pour Noël, ni pour les autres vacances. » Silence. « Tu ne comprends pas. » A nouveau, le silence. Louis ne ressentait aucune culpabilité. Il assumait intérieurement les mensonges que sa mère prenait pour la réalité, comme l'interdiction de quitter l'école pendant les vacances ou l'absence de poste à moins de cinquante kilomètres autour de l'école. « C'est toi qui ne me comprends pas. Je suis un sorcier, Maman. Je ne suis pas comme toi, ni comme Papa, ni comme ma sœur, ni comme toute cette famille. Je suis un sorcier, je suis né comme cela. C'est indissociable de ma vie. Rester ici parmi vous serait comme renier ce que je suis. » Silence. « Je sais que ce que je dis est dur, Maman. Mais c'est ce que je ressens. Ce monde n'est pas le mien. Il n'y a que vous et Jane qui m'y relie. » La mère de Louis fit tombé un plat qu'elle venait de nettoyer. Elle s'énerva et pour canaliser la colère qui montait en elle s'agrippa au plan de travail en bois. Les jointures de sa main avaient blanchi à l'extrême. « Jane sait-elle que tu repars demain ? » Louis sourit. Sa soirée de hier soir lui revenait à l'esprit par épisode. « Je le lui ai dit au revoir, à ma façon. » Sa mère se retourna. « Encore une fois, tu ne lui as rien dit. Tu vas partir sans prévenir. Tu essayes de briser tous les liens qui te relie ici pour pouvoir vivre pleinement ta … vie. Tu n'as aucun cœur. » Elle avait sûrement raison.

ressentiment, n. m., rancune, inimitié.

Il avait appris la nouvelle par la Gazette. L’ouverture de la première université de sorcellerie. Au début, son cœur avait manqué un battement. Il était bouche bée devant ce bout de papier qu’il agrippait, comme si ce n’était qu’une illusion qui allait bientôt partir en fumée. Puis, il commença à réaliser. Toute cette journée, il la passa avec Jane pour la rendre inoubliable et commencer ses adieux. Car il allait se rendre à Chudley, même si cela devait lui coûter cher. Durant toute sa scolarité à Poudlard, il s'était éloigné de sa famille, ne rentrant que pour les grandes vacances et passant toutes les autres à l'école, pour s'imprégner le plus possible de la culture de son monde. Cet éloignement, accentué par une correspondance quasi nulle, avait profondément touché ses parents qui se demandaient si Louis les appréciait vraiment. Depuis son enfance, il s’était toujours senti différent, s’enfermant dans sa chambre pendant des journées entières pour éviter de se trouver dans la même pièce que sa sœur ou ses parents et pour cultiver son côté indépendant et mystérieux. On pensait alors que c’était normal, qu’il avait simplement besoin d’indépendance. Puis il reçut la lettre d’une école dont la famille Hill n’avait jamais entendu parler et il partie y suivre les cours. Ainsi, durant les sept dernières années, les parents de Louis l’avaient vu au total vingt et un mois, soit moins de deux ans, à tel point que Louis était presque devenu un étranger.

Il voulait se rendre à Chudley et rien ne pourrait y faire obstacle, ni même ses parents, ni sa sœur, ni Jane. « Tu as toujours été quelqu’un de têtu, une fois une idée en tête, tu ne l’as pas ailleurs. » Louis avait souri après avoir entendu sa mère prononcer ces quelques mots. Sa mère était triste, mais il n’en était pas ému. Pour seul réponse, il lui avait dit : « Ce n’est pas simplement une idée en tête. C’est une certitude. » Son père était au travail. Il lui avait fait ses adieux. Une simple poignée de main qui témoignait d’un ressentiment profond. Sa sœur était à l’école et n’avait pas pris la peine de le réveiller ce matin pour lui dire au revoir. Sa mère, quant à elle, était froide et en retrait. Louis souriait, faisant de son mieux pour ne laisser aucune expression trahir ses sentiments. Il aimait sa famille, même s’il pensait qu’il n’avait pas sa place parmi elle. Il s’avança vers sa mère et lui caressa la joue. Elle attrapa sa main et s’y frotta tendrement. « Il est temps de se dire à bientôt. » Elle lâcha son étreinte et le regarda droit dans les yeux. « Si tu pars une nouvelle fois, la porte sera close à ton retour. » Il sourit. « Je tente le risque. » Et il disparut .