Cette journée avait commencé comme toutes les autres. Ivy s’était levée à la suite d’une nuit tourmentée, et était allée prendre son petit déjeuner en compagnie d’Angélique. Les deux amies avaient discuté devant leurs céréales et étaient remontées dans le refuge, histoire de se mettre à l’abris devant un bon feu. Avec la neige qui ne cessait de tomber depuis quelques semaines, Ivy ne sortait jamais à l’extérieur si elle pouvait l’éviter. Elle détestait l’hiver depuis toujours, et ce n’était pas près de changer.

Vers les alentours de dix heures, alors qu’elle était perdue dans son exemplaire de Hamlet, une chouette vint toquer à la fenêtre. Alors qu’Ivy tardait de délaisser son bouquin, l’animal lui jeta un roucoulement indigné en montrant le morceau de parchemin qu’elle avait à la patte. L’ancienne Serdaigle jeta donc son Shakespeare sur une table sans plus de cérémonie et vint saisir le mot. Aussitôt libérée de sa mission, l’oiseau fila, sans doute vers la volière, histoire de se réchauffer. Ivy fut surprise de voir que le mot en question lui était adressé. Elle avait cru que la chouette s’en prenait à elle car elle était la plus près de la fenêtre, mais apparemment ce n’était pas le cas. Ivy n’avait pas l’habitude de recevoir du courrier, la dernière lettre qu’elle avait reçu provenait de sa mère, lui annonçant qu’elle avait un supposé fiancé. Elle s’attendait pratiquement à ce que cette fois ci, ce soit l’annonce de sa date de mariage. Mariage qui n’aurait pas lieu, évidemment.

Elle fut donc surprise de découvrir une écriture différente de celle de sa mère. Avant même d’en saisir les mots, elle devina que cette fine écriture venait de William. Son cœur manqua un battement. Un goût âpre lui monta dans la gorge, comme si toute l’angoisse, l’inquiétude et la colère des dernières semaines, qu’elle avait vainement tenté de refouler, remontaient en elle d’un seul coup. Il lui donnait rendez-vous, ce soir même. Il osait. Il avait disparu du château durant un moment, alors qu’elle était prête à lui avouer ses sentiments… Et maintenant, il revenait comme si de rien n’était, espérant sans doute qu’elle répondrait au premier appel. Évidemment, elle n’irait pas. Pas ce soir. Elle en mourait d’envie, mais ne voulait rien savoir, du moins, pas pour le moment. Elle était toujours furieuse.

Oubliant son livre dans la salle commune, elle monta au dortoir, des larmes de rages troublant son regard. Angélique était présente, et jeta un regard inquisiteur à sa meilleure amie.

ANGE ::Ivy? Tu ne te sens pas bien ou quoi?

Pour seule réponse, Ivy lui montra le mot envoyé par son bien aimé. Elle vit l’air surpris d’Angélique se transformer en attendrissement, et elle croisa les bras, l’air furieux, se demandant pourquoi Angélique ne partageait pas sa rage.

ANGE :: Depuis le temps que tu attends ça… Je suis tellement co… Oh. Tu es furieuse.
IVY ::Évidemment que je suis furieuse! Il disparaît sans donner de signe de vie puis, pouf! Je devrais courir dans ses bras selon toi?
ANGE :: …Tu en meurs d’envie…

Ivy esquissa un sourire mi-amusé, mi-insulté. Sa meilleure amie avait raison, comme à l’habitude.

IVY :: Qu’est-ce que je vais bien pouvoir mettre…

Les deux amies partirent dans un rire et passèrent le reste de la journée à analyser le mot. Les heures avaient passées, et maintenant, Ivy était prête. Ses compères étaient couchés depuis plusieurs heures, et elle patientait seule, comptant les minutes, les secondes. Les centimes de secondes. Puis, minuit trente approcha enfin. Elle se leva, et attrapa la fourrure qui lui servait de manteau. Elle se demandait pourquoi William avait voulu lui donner rendez-vous dans le parc, avec cette température. Avec l’accoutrement qu’elle portait, elle allait probablement mourir d’hypothermie.

William avait spécifié qu’elle devait mettre sa plus belle tenue. Ce post-scriptum l’avait laissée perplexe, mais elle l’avait respecté. Elle avait longuement hésité, puis avait opté pour une robe longue, noire, légèrement décolletée, qui laissait son dos nu, mis à part quelques ficelles argentées. La simplicité à son meilleur. Évidemment, elle n’avait pas mis de maquillage, préférant son côté naturel. Ses cheveux ondulaient naturellement sur ses épaules et le long de son dos. Elle avait même osé mettre des chaussures à talon, tout en sachant pertinemment qu’elle aurait une difficulté folle à marcher dans la neige.

La jeune femme descendit les quelques étages qui la séparait du parc et sortit enfin dehors. Le froid n’était pas du tout mordant, il était même agréable, étrangement. Tant mieux. D’un pas mal assuré, la jeune femme se mit à avancer vers le parc, n’ayant absolument aucune idée où aller, où William se trouvait. À la seule pensée du jeune homme, son cœur s’emballait. L’amertume dont elle avait fait preuve durant l’avant-midi avait fait place à tout l’amour qu’elle éprouvait pour lui.

Alors qu’elle cherchait une silhouette des yeux, son attention fut attirée par la lumière. Des dizaines de petites lumières scintillaient un peu plus loin. Comme des lucioles. Et, au milieu d’elles, la plus belle silhouette d’entre toutes, la silhouette dont elle était éperdument amoureuse. Pressant le pas, elle se dirigea vers cette silhouette, le plus beau des sourires aux lèvres, le plus sincère.

IVY ::William…