l'ange et la folle. - pv.

Blabla Date d'inscription : 31/12/2008 Nombre de messages : 88

Il était d'une humeur absolument fantastique. Il ne savait pas exactement si c'était Dieu qui l'avait pris sous son aile ou s'il avait délégué un ange gardien pour qu'il s'occupe de lui mais en tout cas il était certain qu'un miracle venait de se produire : lui qui n'aurait pas hésité une seule seconde, avant, à plonger dans les bras d'une Bunny Adams qui s'offrait littéralement à lui, cette fois, s'était retenu, levé et éloigné – et tout cela sans que ce soit dans un but de séduction quelconque. Un miracle, j'vous dis. Je suis fier de toi, Tom. Toi, le terrifié du changement, tu changes. Le sourire allait en s'élargissant. Il n'aurait jamais pu faire ça avant d'avoir rencontré Gregory, il en était certain. Ce type le transformait. Bienheureuse rencontre – peut-être que c'était ça son cadeau du Père Noël. Peut-être qu'en fait, le Père Noël, c'était Dieu. Voilà que Tommy se mettait à délirer – le meilleur état d'esprit possible quand on s'apprête à rencontrer la personne la plus folle de Hogwarts, mais ça, il ne pouvait pas encore le savoir, alors chut ! lui dites rien, on voudrait pas lui ruiner la surprise (et ça pour être surpris, il va l'être, hein Tom d'amour ?).

L'adolescent de dix-sept ans se sentit rajeuni, innocenté. C'est donc en sifflotant un air d'Aladin qu'il monta les escaliers, se demandant si quelqu'un dans cette foule serait capable de reconnaître le film dont été tiré l'air. Les sorciers ne parlaient jamais des Walt Disney, peut-être que ça n'était qu'une pratique moldue – et il n'y avait pas plus moldu qu'un orphelinat miteux de Londres, si ? M'enfin, on s'en fout de toute façon. L'important, c'est qu'en passant dans un couloir vide, il vit une silhouette assise, par terre. Il n'arrêta pas de siffler mais accéléra légèrement pour s'approcher. Si quelqu'un n'allait pas bien, c'était le meilleur moment, car il était suffisamment de bonne humeur pour faire le geste de venir en aide à quelqu'un. Incroyable, on sait, mais vous extasiez pas trop, il va finir par mal le prendre, sans ça.

Première réaction : c'est qui ? On vous fait une description rapide : une adolescente, l'air complètement ailleurs, à qui il semblait manquer une moitié, et qui n'avait toujours pas réalisé son arrivée – ou alors qui l'ignorait royalement, c'est au choix. Le pire, c'était que Tommy était incapable de tamponner un mot sur son visage, ce qui était plutôt courant depuis la guerre, mais qui se révélait à chaque fois aussi désagréable. Pour que cela cesse, il resta debout, donc à distance – un mètre, deux mètres, quelque chose comme ça – et demanda : < Qu'est-ce que tu fais ici ? > Il avait voulu demander le prénom, il avait demandé ce qu'elle faisait au château. Rien à voir mais il se disait que peut-être ce qu'elle lui dirait éclairerait tout le reste, comme une clé pour ouvrir la boîte aux énigmes. Parce que cette fille avait l'air d'en être une, d'énigme, j'veux dire. Tommy chou, t'as pas mieux à faire, là ? L'adolescent éteignit la petite voix dans sa tête, la ralluma le temps de lui demander si effectivement, il avait mieux à faire. Non, mais ça m'coutait rien d'essayer. Après l'avoir traîtée d'abrutie, Tommy l'éteignit de nouveau et se concentra sur la silhouette devant ses yeux. N'ayant pas la moindre idée de la spirale dans laquelle il entrait.

Agathe Morrison arpentait les couloirs. La faim la bouffait - je vous assure que ça fait un drôle d'effet. Elle n'arrêtait pas de se passer la main sur le ventre - femme enceinte - et de se lécher les babines - fauve affamé. C'était déjà mieux, remarquez, que de se manger la main en se léchant le bide. Bon. Elle n'avait pas franchement idée de là où elle allait, à vrai dire, submergée qu'elle était par les gargouillements de son estomac en déroute. Cela dit, elle savait où elle était - ici - et d'où elle venait - la grande salle -, ce qui était déjà pas mal étant donné le choc psychologique qu'elle venait de vivre. Pour tout vous dire, il lui avait été impossible de trouver la moindre miette de rosbif froid ou de tarte aux myrtilles dans ce crétin de château-refuge-cantine-foutoir, c'était quand même dingue ; d'ailleurs la nouvelle l'avait presque laissée pour morte sur le carrelage froid, presque morte, je vous dis, un jour il faudra révéler à l'Humanité (elle a le droit de savoir) qu'Agathe Morrison ne se nourrit que de myrtilles et de viande rouge. Que tout le monde soit au courant une bonne fois pour toutes. Suite à son presque-infarctus-fatal, l'adolescente s'était barrée dans le dédale de couloirs du rez-de chaussée, en se retenant de hurler à la vue de ses petits camarades dévorant du steack haché bien cuit, cette ignominie devant l'Eternel. Elle préférait encore mourir d'hypoglycémie, ou manger ses cheveux. (Le orange donne bonne mine.)

Quand le sifflement léger parvint à ses oreilles, provenant de quelque part sur la droite, dans un corridor perpendiculaire, elle se laissa tomber sur le sol poussiéreux. Etre assis dans un coin avec l'air blasé, ça fait son effet, mais être planté au milieu de nulle part avec l'air désoeuvré, ça fait looser. Tout le monde sait ça. Et puis Aggie était fatiguée, aussi, ou plutôt, lassée - le genre de lassitude qui vous prend en traître, comme ça, tout en vous donnant envie de sortir de votre trou, un peu comme si vous vous baladiez paresseusement à l'intérieur d'un disque de Simon and Garfunkel. Morrison ne reconnut pas l'air d'Aladdin, qui se rapprochait et se rapprochait encore, de toute façon elle n'en avait rien à foutre des tapis volants, elle préférait les soucoupes volantes. C'est trop bon, c'est presque ovulant, les soucoupes volantes.

Le sifflement avait cessé, depuis deux secondes ou deux semaines, les dix minutes passées avaient duré neuf ans et Agathe avait bien envie de rester assise là au moins jusqu'à sa mort. Elle mit six mois de plus à se rendre compte que le siffleur se tenait à plusieurs mètres d'elle - il ne s'approchait pas, il avait dû sentir qu'elle avait besoin de viande, et maintenant. (Graou.) Comme dans un film d'auteur, leurs yeux ne se croisèrent pas, c'était plus mystérieux.

« Qu'est-ce que tu fais ici ? »
« Ben tiens, j'attends de mourir d'hypoglycémie. Du tac au tac. Un temps. Tu crois que ça va plus vite quand on reste debout ? De toute façon tu dois rien y connaître... je me lève. »

Elle se redressa aussi gracieusement que l'aurait fait son arrière-grand-mère, celle qui était cul-de-jatte et borgne, en soulevant au moins douze mille siècles de poussière accumulée sur le carrelage. Genre fumée de désert de western, tu vois ? Da-da-da-dawwwww... La seconde suivante dura quarante ans, ou le double, qu'elle mit à profit pour croiser, cette fois, les yeux du siffloteur de couloirs - ils étaient bruns - et pour se rendre compte qu'on ne crevait pas plus vite debout. Tant pis. Au moins, Seductor n'aurait pas à ramasser son cadavre couvert de vomi, tripes et boyaux.

Blabla Date d'inscription : 31/12/2008 Nombre de messages : 88

< Ben tiens, j'attends de mourir d'hypoglycémie. > Seductor haussa un sourcil. Cette inconnue avait soit un très bon sens de la répartie, soit un grave problème de santé. Il pria rapidement pour que ce soit le premier cas mais découvrit, quand elle poursuivit, qu'il ne s'agissait d'aucun des deux en réalité. < Tu crois que ça va plus vite quand on reste debout ? > Euh. < De toute façon, tu ne dois rien y connaître. > Enfin, quand même, ne poussons pas si loin. < Je me lève. > D'accord. L'adolescent ne souriait plus, ses yeux étaient plutôt un peu plus fermés que d'habitude, cherchant à comprendre la fille d'en face – non, pas the girl next door, la fille d'en face, on vous dit (the girl next door se serait relevée un peu plus grâcieusement, si vous voyez ce que je veux dire).

Il voyait mieux la fille en question, maintenant, mais n'avait toujours aucune idée de qui elle pouvait bien être. Ses yeux, redevenus grands, la parcouraient de haut en bas. Elle était mignonne, plutôt bien faite, mais pas très droite. Pourquoi est-ce qu'elle avait une main sur son ventre ? Elle n'était pas enceinte, quand même ? Non, il y aurait une boule sur le ventre, sinon. Enfin, je crois, dit la toute petite voix au fond de lui. Ne sois pas stupide, Tom, ajouta une autre voix, plus sèche, elle vient de te parler d'hypoglycémie, utilise tes neurones. < Ah ! Tu as faim. > Merde. Il s'était exprimé à voix haute. Un petit sourire vint sur ses lèvres, sans que l'on sache exactement si c'était de la gêne, de la sympathie ou même de la compassion. Il avait faim, lui aussi, mais ça n'était pas une raison pour chercher à mourir d'hypoglycémie. < Tu ne sais pas où est la Grande Salle ? J'peux t'y emmener, si tu veux. > Bizarrement, en posant la question, il eut l'étrange intuition que le problème n'était pas là et qu'en réalité, il n'avait aucune chance de deviner par lui-même quel était le problème. Cette fille avait l'air d'être pour le moins surprenante.

< Au fait, moi c'est Tom. Et tu es ? > Allait-il enfin pouvoir mettre un prénom sur ce visage tout angélique mais dissimulant clairement tout plein de choses étranges ? Encore faudrait-il qu'elle donne une réponse raisonnable.

« Tu as faim. »

Merde. Arrêter de se caresser le ventre obsessionnellement. Et cesser de montrer les dents, peut-être ? Dommage, parce que tout de même, Seductor était appétissant. Culinairement parlant, je veux dire. Oh. Tout à coup, il souriait - et même avec les yeux. Encore plus appétissant. (Toujours d'un point de vue culinaire, cela va sans dire.) Mais c'était un sourire blanc, c'est-à-dire neutre, c'est-à-dire ennuyeux. Le sourire sadique lui irait bien mieux.

« Tu ne sais pas où est la Grande Salle ? J'peux t'y emmener, si tu veux. »

Oh oui, quelle bonne idée, chacun sait qu'Agathe Morrison est débile profonde et qu'elle a besoin désespérément qu'on lui indique le chemin de la grande salle, d'ailleurs regardez, c'est écrit sur son front. (Elle a un grand front.) En réaction à la brûlure démente qui montait sournoisement dans son ventre, elle se mordit les lèvres, ce qui la conduit à se demander s'il était possible de se bouffer soi-même en commençant par les lèvres, justement, puis le nez, le yeux, le crâne, en redescendant le long de la colonne vertébrale pour arriver aux pieds - les cuisses ne devaient pas être mal - et en remontant par le ventre jusqu'au menton. Aggie imaginait sa bouche, toute seule, retombant sur la poussière du couloir après avoir dévoré son corps - est-ce qu'elle recracherait les cheveux ?
Miam.

« Au fait, moi c'est Tom. Et tu es ? »

Oh oh, voici venir la question à un million de dollars. Comme d'habitude, l'adolescente ne prit pas la peine de réfléchir avant de causer (c'était pour les cons et les loosers).

« Ag- euh, G- ou plutôt Aga- appelle-moi Morrison. J'veux dire, appelle-moi Morrison, Tom. C'est cool Tom. C'est le onzième prénom sur ma liste de comment-voudrais-je-m'appeler-si-j'avais-été-un-mec. Bon score. »

Pendant qu'elle noyait quasi inconsciemment le poisson, Agathe, étant incapable de dire simplement qui elle était, songea forcément à Taylor. Où est-ce qu'il se cachait encore ? Avec une de ses groupies, sûrement. Quel con. Ou alors, peut-être qu'il était parti chasser le monstre du lac noir pour en faire des tranches sanguinolentes et nourrir son fauve de petite soeur. Elle planta ses yeux dans ceux de Tom.

« T'as de la viande dans tes poches, par hasard ? Il est où Taylor ? »

Blabla Date d'inscription : 31/12/2008 Nombre de messages : 88

< Ag – euh, G – ou plutôt Aga – appelle-moi Morrison. J'veux dire, appelle-moi Morrison, Tom. C'est cool, Tom. C'est le onzième prénom sur ma liste de comment-voudrais-je-m'appeler-si-j'avais-été-un-mec. Bon score. > Tommy haussa un sourcil. Il commençait, inexplicablement, à bien l'aimer, la demoiselle. Certes, elle avait l'air complètement barrée, mais justement, cela changeait. Comment dire ? Il n'avait plus à jouer un rôle : avec elle, tout était une comédie perpétuelle dans laquelle personne ne se jugeait. Ou du moins dans laquelle les jugements étaient mobiles donc de valeur négligeable. Son sourire, après une courte réflexion, devint réponse : < Enchanté. T'as de la chance : ton nom de famille, il est quatrième sur ma liste. > Un silence. < Bah oui, ma liste de quel-serait-mon-nom-de-famille-si-j'avais-pu-le-choisir. > Il lui fit un clin d'oeil. Qu'elle interpréterait comme elle le voudrait – puisque de toute façon il semblait qu'elle n'interprétait rien comme le reste de l'humanité.

Et, effectivemment, elle reprit sur le thème le plus inattendu qui soit. < T'as de la viande dans tes poches ? > Euh. < Il est où Taylor ? > Ah ! Un immense sourire vint décorer les lèvres du sapin de Noël – Tommy. Elle lui disait vaguement quelque chose parce qu'elle était la soeur de Taylor, et c'est également pour cela que le nom de famille avait sonné familier à ses oreilles (quoique l'autre propriétaire du nom jouait également, expliquant d'ailleurs pourquoi il était à la quatrième place du classement). Cette courte réflexion déboucha sur la nécessité de répondre aux deux questions qui lui avaient été posées, aussi étranges soient-elles. < Je suis désolé mais à part mon propre corps, je n'ai pas de viande sur moi, non. > Il se dit furtivement que ceux qui avaient très faim envisageaient parfois le cannibalisme, et, ayant peur que sa phrase soit vue comme une invitation à se servir, il ajouta : < Mais je ne suis pas comestible. On a fait des études et les blouses blanches ont dit que j'étais comme un mauvais champignon : attractif mais dégoûtant et empoisonné. > Il hocha de la tête d'un air convaincu. Et pourquoi ne le croirait-elle pas ? Ce n'était pas plus particulier que de demander à un parfait inconnu s'il avait de la viande sur lui. Quoique. Ah, la deuxième question. < Et Taylor, euh. > Il allait répondre qu'il n'en avait aucune idée mais en réalité une image lui revint à l'esprit. < Je crois que je l'ai vu près du château, dehors, avec - > Il pissait le front, se concentrant sur l'image qu'il avait eu en rentrant du château, dans une vague d'euphorie, après avoir quitté Adams. < - une ou deux filles. Il y avait une rousse. >

Il eut léger soupir de soulagement : il s'était souvenu. Ses yeux s'étaient détournés du visage d'Agathe, ils y revinrent. Elle avait faim et voulait de la viande. Tout en se disant qu'il était fou de seulement envisager cela, il lui demanda, soudainement, brusquement, sans même une phrase d'introduction pour la préparer : < Tu veux que je t'amène au restaurant ? On pourra commander de la viande, si tu veux. > La folie serait-elle contagieuse ?

« Je suis désolé mais à part mon propre corps, je n'ai pas de viande sur moi, non. Mais je ne suis pas comestible. On a fait des études et les blouses blanches ont dit que j'étais comme un mauvais champignon : attractif mais dégoûtant et empoisonné. »

Tu parles. T'as les joues toutes roses, t'as déjà vu un mauvais champignon avec les joues roses ? (Avait-elle prononcé ces deux phrases ? Elle pensait tellement fort qu'elle aurait bien été capable d'étaler ses réflexions à haute voix sans s'en rendre compte. Anyway.)

« Et Taylor, euh. Je crois que je l'ai vu près du château, dehors, avec - une ou deux filles. Il y avait une rousse. »

Super. Alors comme ça, sa soeur lui manquait tellement que le pauvre Taylor se sentait obligé de se rabattre sur une autre rousse. Crétin. Seductor, de son côté, soupirait comme après un marathon.

« Tu veux que je t'amène au restaurant ? On pourra commander de la viande, si tu veux. »

Les yeux de Morrison s'allumèrent. Ce n'était plus Tom, en face d'elle, c'était Jésus - ou bien David Bowie. De la viande, et au restaurant en plus ? La vache. Elle n'y aurait pas pensé toute seule. Elle eut un sourire immense, pouvant être pris pour enthousiaste ou menaçant, au choix, et attrapa Tom par la manche de sa veste (parfaitement droite, grands dieux, ce devait être le genre de garçon qui fait peur aux faux plis), faisant mine de le tirer dans la direction du hall, mais sans lui toucher vraiment le bras. Et puis elle tourna la tête, brusquement et sans raison apparente, sur la gauche, vers le bout du couloir, comme prise d'une soudaine intuition. C'était bien ce qu'elle pensait. Encore une soucoupe volante. Son sourire s'affaissa mais ses iris bruns redoublèrent de brillance, toujours fixés au loin. Elle ne lâcha pas la manche de Tom.
Désormais, il n'y avait plus qu'elle au monde, elle et la soucoupe volante et ce bout de veste, qu'elle froissait inconsciemment comme un doudou.

Cinq secondes qui auraient aussi bien pu être cinq ans s'écoulèrent avant qu'Agathe ne cligne des yeux et ne remette tout en place dans son esprit - le plafond au-dessus de sa tête, le sol sous ses pieds, Tom au bout de la manche. La proposition de Tom qui flottait encore dans l'air. Le point d'interrogation à dissiper.

« Super. J't'invite, Tom. On prend la soucoupe ? »

Elle esquissa un mouvement avec son bras dans la direction où Tom devait regarder pour comprendre ce qu'elle racontait. Il y a des gens auxquels il faut tout préciser. Des gens - presque tous, en fait.
Tous sauf un. Mais c'était un crétin.

Blabla Date d'inscription : 31/12/2008 Nombre de messages : 88

Morrison reçut l’invitation avec tout l’enthousiasme que Tommy aurait pu espérer ; ils échangèrent un sourire et puis elle l’attrapa par le bras. L’adolescent ne put s’empêcher de vérifier que cela n’allait pas déranger sa tenue – oui, il a beau ne pas sauter sur Adams, ça ne fait pas de lui un garçon qui n’en a rien à faire de son apparence, hein, soyons bien d’accord. Excellente idée, Tom, maintenant tu n’as plus qu’à prier pour qu’elle ne se mette pas à hurler et baver dans le restaurant ; merci la réputation, après, dans le lieu. Tommy se dit que, pour une fois, la voix n’avait pas tort : il emmènerait Morrison dans un lieu nouveau, où il ne retournerait que si elle se comportait bien. En attendant, elle avait arrêté de bouger, les yeux fixés sur – rien. Ca n’était pas si étonnant venant d’elle, mais l’adolescent espérait qu’elle allait lui signaler ce qu’elle croyait voir pour ne pas qu’il soit hors du coup (elle serait déçue, sinon, et ne voudrait plus aller au restaurant).

Super. Je t’invite, Tom. On prend la soucoupe ?
Avec plaisir !

Le sourire s’était encore élargi sur les lèvres de l’adolescent, pas avec un accent moqueur mais avec une véritable expression de bonheur. Sans s’en rendre compte, Morrison le replongeait en enfance, où toutes les conneries et tous les rêves étaient permis ; elle ne le jugerait jamais sur ce qu’il dirait ou ferait d’étrange. Au contraire, la normalité devait l’ennuyer à mourir. Le seul problème, se dit-il après quelques secondes, c’est qu’il n’y avait pas de soucoupe volante. Alors comment étaient-ils censés monter dedans pour aller au restaurant ? Tommy eut soudain une idée. Il plissa les yeux et lâcha un hoquet en prenant la main de Morrison. Il fit mine d’accélérer et, pour qu’elle comprenne son idée (il fallait qu’elle rentre dans son jeu, mais ça ne semblait pas vraiment compliqué, étant donné son caractère).

Elle s’en va sans nous ! Attends-nous !

Il avait d’abord parlé à Morrison. Puis à la soucoupe volante. Comme si elle allait l’entendre. Mais je vous l’ai dit : rien ne semblait trop extravaguant en cet instant précis. Et voilà, soupira la voix, c’est contagieux, cette saloperie, tu d’viens fou, toi aussi. Et ça ne fait que dix minutes ! Tommy soupira (Morrison comprendrait-elle pourquoi ?) et accéléra le pas pour faire taire la voix. Ils passèrent ainsi dans les escaliers – heureusement, il n’y avait presque personne pour voir leur course déjantée – puis dans le hall, puis dans le parc, et ainsi de suite. Jusqu’à ce qu’ils puissent transplaner. Et là, il fallut encore inventer quelque chose.

Vite, grimpe !

Il reprit la main de Morrison, qu’il avait lâchée dans le hall, et leva l’autre bras comme s’ils décollaient. Et à ce moment précis, ils transplanèrent au Mexique. Devant le meilleur restaurant argentin de la ville ; les meilleures viandes du monde. Morrison allait être ravie. Ou pas.

the end.

Blabla